L'argent peut-il fondre ?

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Constats

Pour Jean Silvio Gesell (1862, 1930), ni la force de travail ni les marchandises ne peuvent se conserver comme l'argent. Ce qu'ils offrent se dégrade, nécessite des frais d'entretien alors que l'argent ne se dégrade pas et peut être stocker sans dommage. Mais l'argent a un second avantage sur les marchandises : son caractère universel, sa liquidité, sa possibilité d'être transformé en n'importe quelle marchandise.

Ce constat étant fait, il se propose de contrebalancer ce rapport de force en dégradant la valeur de l'argent de 5% par an, équivalent à la dégradation moyenne des marchandises.

Ainsi, le possesseur d'argent sera-t-il obligé de l'offrir sur le marché, sous forme de prêt ou d'investissement, pour échapper aux frais de 5% que lui coûtera le fait de garder l'argent dans sa caisse.

Constats (suite)

Il sera ainsi dans la même situation que n'importe quel prêteur de marchandises.

Dans ces circonstances, l'argent ne pourrait plus exploiter sa position de monopole comme moyen d'échange entre les marchandises, ni exiger une prime de liquidité, ni un taux d'intérêt usuraire. En effet, cet intérêt est imposé par le prêteur par le seul fait qu'il n'est pas obligé de placer son argent. Il n'est donc pas la rémunération d'un service accompli par le prêteur. C'est un revenu qui lui revient sans travail de sa part, uniquement du fait qu'il profite de la position de l'argent sur le marché.

En effet, sans dégradation de l'argent, le marché est gravement faussé par le fait qu'il y circule de l'argent qui n'est pas le produit d'un travail. Cela se passerait autrement si on adoptait une monnaie dégradable.

Constats (suite)

Si l'argent liquide était soumis à une perte de valeur, l'emprunteur rendrait service au prêteur : celui de lui rendre la somme entière à la date convenue. C'est l'emprunteur qui paierait alors la dégradation de l'argent. Ainsi, avec le système Gesell, c'est la possession d'argent « liquide » (mais gelé !), qui est soumise à intérêt.

Par exemple, au moyen de billets de banque avec 12 cases au verso : chaque mois, il faut y coller un timbre de la valeur de 0,5 % du billet. Ce qui fait 6% de dégradation de valeur pour l'année. Celui qui veut échapper à cette érosion (conserver 100 000 € coûte 6 000 € par an !) soit dépensera (s'il veut économiser, il peut acheter une oeuvre d'art) ou prêtera (c'est-à-dire trouvera quelqu'un qui dépensera à sa place).

Constatts (suite)

Comme l'argent est maintenant obligé de s'offrir sur le marché tout autant que les marchandises, le prêteur ne peut plus exiger de taux d'intérêt usuraire : l'emprunteur trouverait facilement de l'argent chez quelqu'un d'autre.

Comme les prix restent stables, celui qui économise ne perd pas le fruit de son travail ; mais il ne peut extorquer non plus le fruit du travail des autres grâce à une « prime de liquidité ».

La monnaie fondante ?

La monnaie fondante, ou franche, est une monnaie qui perd progressivement de sa valeur, et qui donc circulera plus vite et sera plus productive.

Cette idée, que l'on doit au théoricien belgo-allemand Silvio Cesel (1862-1930), a été exposé en 1915 dans son livre intitulé « L'Ordre économique naturel ».

En 1919, apparaît en Allemagne la société franchistes, qui s'était donné pour but de mettre en place cette monnaie franche. Pour débuter, les franchistes ont créé dans un cercle restreint de leur organisation cette monnaie, le wara, dont l'unité vaut un mark. Elle perd 1% de sa valeur chaque mois à date fixe. Cette perte peut être compensée par un timbre de 1% que l'on colle au dos du billet pour qu'il puisse continuer à circuler.

Résultats

Cette monnaie fondante a été mise en œuvre vingt fois (dont trois fois en France). Elle eut des résultats spectaculaires avant que les gouvernements et les banques ne l'interdisent :

• Expérimentée notamment à la suite du rachat d'une mine de 40 ouvriers dans la région désolée de Schwanenkirchen en Allemagne en 1930. N'ayant pu obtenir un prêt que des franchistes et ne disposant pas de trésorerie en marks, le nouveau propriétaire Max Hebecker utilisa des wära pour payer ses ouvriers et convainquit les commerçants de les accepter. Les grossistes de ceux-ci pouvaient les utiliser pour acheter du charbon à la mine. Le ministre allemand des finances réussit à faire interdire le wara en octobre 1931 malgré ses spectaculaires résultats sur l'économie locale. La conséquence de cette interdiction fut la fermeture de la mine.

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. L'expérience somme toute réussie du wara à Schwanenkirchen inspira la commune autrichienne de Wörgl (Autriche, 1932-1933) sous l'impulsion de son maire, Michael Unterguggenberger, à établir un système semblable. Cette monnaie résorba en 11 mois un chômage au taux de 60%. Même résultat positif et même sanction, ce dispositif fut interdit le 5 janvier 1933 et mis fin à l'expérience.

. En 1933 fut créée en France la « mutuelle nationale d'échange », un réseau sur une base privée qui utilisait le « Valor » comme moyen d'échange et qui suivait l'exemple du Wära. Cette expérience fut interdite par le ministère de l'intérieur en 1935.

. En 1956, à Lignières-en-Berry (France), elle ressucita en un an une petite ville ruinée par la désertification des campagnes. Même effets à Marans (France) en 1957-1958 et à Porto Alegre (Brésil) en 1958.

Résultats (suite)

. En 1933-1934, aux états-Unis, elle créa des redressements inespérés dans 14 villes.

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